Jean De Dieu Momo "Il existe des prisonniers politiques au Cameroun"

Avocat au barreau du Cameroun, il présente le caractère politique qu'il perçoit dans certaines affaires.

Existe-t-il encore au Cameroun, aujourd'hui, des détenus politiques ?

Tous les pays ont leurs détenus politiques et le Cameroun n'échappe pas à cette universalité. Cependant, le Cameroun a rejoint la subtilité des autres pays, notamment la plus grande démocratie mondiale connue avec Guantanamo où il y a des prisonniers politiques. On pense que ce sont des terroristes, mais en réalité ce sont des prisonniers politiques. Ceci étant, le Cameroun n'attrape plus systématiquement les gens pour les mettre en prison parce qu'il y a une divergence d'opinions politiques. Le Cameroun a une subtilité qui consiste à vous adjoindre une infraction de droit commun qui lui donne la latitude de vous arrêter. On dit détournement de deniers publics ou corruption, par exemple. On a suivi le président Biya à Londres quand il disait qu'il n'y a plus de prisonniers politiques, mais en réalité ce n'est pas vrai. Titus Edzoa, par exemple, c'est un prisonnier politique.

Pourquoi les Etats n'admettent plus facilement l'existence des détenus politiques dans leurs prisons ?

La démocratie impose que nous acceptions les opinions des autres. Ce n'est pas parce que j'ai une opinion divergente de la vôtre que vous allez m'arrêter et me mettre en prison.

La condamnation de ces personnes se fait de façon particulière, même si l'on assiste souvent à une parodie de justice. En tant qu'avocat, y a-t-il une manière particulière de défendre un prisonnier politique ?

Non. L'avocature c'est justement dénoncer ceux la. Nous voulons que les règles de droit soient appliquées. C'est vrai que le procès politique est différent des autres. Et il faut distinguer les avocats. Il y a des avocats de droits de l'homme, il y a des avocats engagés, il y a ceux qui sont là pour leur business, pour avoir un peu à manger. Mais dans chaque défense il y a deux phases : il y a la défense de rupture, où vous rejetez intégralement le régime et il y a une défense de connivence où on accepte le fonctionnement du régime, en implorant même le pardon. Il y a des défenses qui consistent à libérer le détenu de prison, là vous faites profil bas, c'est la défense de connivence. De toutes les manières, il n'y a pas de manière particulière. La défense, c'est celle qui concourt à la justice.

Et le choix de la défense, dans ce cas, est-il dicté par votre client ou alors c'est vous qui lui proposez la démarche ?

On ne dicte rien, on lui propose. Mais ça dépend. Les prévenus n'ont pas les mêmes opinions que leurs avocats. Ce qu'il veut, généralement c'est aller rejoindre ses enfants, c'est aller rapidement recommencer son travail. Mais si c'est un révolutionnaire, si c'est quelqu'un qui a posé un acte dont il assume les conséquences, c'est différent.

Quels sont les éléments qui permettent de croire qu'on est face à un procès politique?

Vus avez le maire de Njombe-Penja qui est enfermé à Nkongsamba, c'est un prisonnier politique. Il est enfermé parce qu'il a déclaré très naïvement, mais très sincèrement, très innocemment, qu'il y a eu tel nombre de morts à la télévision, moi j'avais suivi ça. Mais les gens estiment que comme c'est un maire Rdpc il n'avait pas le droit de dire ce qu'il a dit. Parce que dire cela fait comme s'il était de l'opposition. Ce sont donc là des éléments qui permettent de croire qu'il s'agit d'un procès politique, parce qu'il y a une vérité qu'on veut masquer.

By Lazare Kolyang

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